Abri'Handicap - Portrait de Mireille Tidji, une entrepreneuse pour les enfants

Mireille TIDJI, juriste spécialisée en droit des enfants, décide de lancer officiellement son association ABRIHANDICAP en 2020 afin de sensibiliser et aider les enfants porteurs de handicap en France et en Afrique, notamment dans les milieux ruraux où les préjugés sur les handicaps sont nombreux. Mireille rejoint le programme REC Développement « Entrepreneuriat des Femmes du 91 » en 2022. Aujourd’hui, elle nous raconte son histoire et celle de son association.

ABRIHANDICAP est une association basée à Montgeron dans le 91, qui a pour objectif de sensibiliser aux handicaps invisibles et de défendre les enfants rejetés à cause de leur différence. Le projet est lancé dans un premier temps afin de défendre les enfants atteint de drépanocytose qui est une maladie génétique qui touche l’hémoglobine et se traduit par de l’anémie et des crises douloureuses affectant divers organes. Par la suite, l’association a étendu son champ d’action à tous les handicaps invisibles.

ABRIHANDICAP en quelques chiffres en 2022 :

210 enfants soutenus
5 campagnes de sensibilisation et de dépistage
2 salles de classes pour enfants handicapés soutenus

Présente-toi quelques mots

Je m’appelle Mireille TIDJI, je suis juriste en droits de l’enfant et co-fondatrice de l’association Abrihandicap.

Parle-nous de ton projet

Abrihandicap est une association que j’ai créé avec mes enfants en 2020. Au départ, l’association avait pour but de lutter contre le rejet des enfants porteurs de drépanocytose, qui est la première maladie génétique en France et au monde.

En Afrique, nous nous sommes vite aperçus qu’il n’y avait pas que cette maladie qui diabolisait les enfants. Effectivement, tous les enfants porteurs de handicap sont stigmatisés, rejetés et parfois même enchaînés. Les enfants les plus malchanceux sont victimes d’infanticide.

Aujourd’hui, l’association a comme but principal la sensibilisation au handicap invisible et plus particulièrement, la défense de la cause des enfants abandonnés à cause de leurs handicaps ou de leur différence.

Nous avons donc créé Abrihandicap : l’abri des enfants handicapés, pour ces enfants que l’on rejette ou qui sont victimes d’infanticide.

Quelle est la particularité de ton projet ?

La particularité de Abrihandicap est que nos actions sont divisées en deux :

Handimoi+, qui est un projet de sensibilisation au handicap invisible en France. Dans le cadre de ce programme, nous intervenons dans les écoles primaires afin de sensibiliser les enfants dès leur plus jeune âge. Les enfants d’aujourd’hui sont les adultes de demain, il est donc important d’attirer leur intention sur des sujets comme celui-ci.

Grâce à des improvisations théâtrales et une éducation à la citoyenneté et à la solidarité internationale, nous croyons qu’en sortant de la classe, nous aurons fait passer le bon message.

Ces interventions se font autour de deux maladies : la drépanocytose et l’autisme. Nous sensibilisons particulièrement les enfants sur ces deux maladies car la drépanocytose est la première maladie génétique dans le monde, et l’autisme a un fort taux de prévalence qui ne cesse d’évoluer chaque année.

Handicapsud, qui est un projet de sensibilisation à l’étranger, en Afrique notamment. Le but est de prouver aux habitants que les enfants porteurs de handicap ne sont pas des enfants sorciers. Dans ces territoires, les enfants porteurs de handicap sont appelés « les enfants sorciers ». 

Nous intervenons principalement en Afrique subsaharienne, dans les milieux essentiellement ruraux car dans ces zones le handicap est peu connu, ou alors pas reconnu par les habitants.

Habituellement quand les aides sont apportées aux habitants, elles le sont dans les villes et les capitales, les zones rurales sont souvent oubliées. Ces zones sont éloignées des capitales et des grandes villes et sont donc plus pauvres. Ainsi, vivre en situation de handicap dans un zone rurales, c’est être sûre d’être délaissé voire oublié par la communauté.

Abrihandicap intervient dans les zones qui ne séduisent personne, car ce sont des endroits qui n’ont pas de voie, qui n’ont pas souvent d’électricité et ce n’est donc pas agréable de s’y rendre.

Malheureusement, la sensibilisation ne suffit pas car dans les milieux ruraux c’est la stigmatisation qui tue. Nous sommes obligés de décupler nos efforts pour faire énormément de campagnes de sensibilisation.

Nous avons créé des maisons d’inclusions, dans lesquelles nous accueillons les enfants mais également les personnes s’étant occupé d’eux avant notre intervention.

Aujourd’hui, nous intervenons dans 4 pays : la Côte d’Ivoire, le Togo, le Cameroun et le Burkina Faso.

As-tu toujours eu envie de devenir entrepreneuse ?

J’ai toujours été dans le monde de la philanthropie. Dans ce rôle de philanthrope, j’ai toujours eu envie de donner à mon prochain.

Comment es-tu devenue entrepreneuse ?

Je suis devenue entrepreneuse par la force des choses, en étant juriste en droits des enfants. Cela fait maintenant deux ans que j’ai dû prendre des disponibilités professionnelles pour donner une chance à ce projet.

Trois heures le soir et quelques heures le week-end ne suffisaient plus à pouvoir gérer l’association. De plus, de jour en jour notre impact s’agrandissait et se renforçait.

Qu’est-ce que tu aimes le plus en étant entrepreneuse ?

J’aime être sur le terrain avec les enfants, on me dit que ça ne change pas trop de mon métier de juriste en droits de l’enfant car je m’occupais des enfants en adoption et délaissés. Maintenant, je travaille aussi pour les enfants en situation de handicap et qui sont également rejetés. Cependant, pour moi ce n’est pas la même chose.

Ici, dans mon bureau en France, je ne voyais pas les enfants, je ne les touchais pas, je n’étais pas avec eux. Mais sur le terrain, je les touche, je les prends dans mes bras, on échange, on se fait des câlins, on se parle, on se regarde dans les yeux. C’est ça que j’aime.

Le fait d’accueillir, au sein de nos maisons d’inclusion, un enfant qui aurait été rejeté et d’ainsi améliorer sa situation de vie, me rend heureuse. Également, ce que j’aime dans ce que je fais c’est quand on réussit à prendre un enfant en situation de handicap de la rue, lui enlever ses chaînes et l’intégrer au sein de la maison de l’inclusion. Il va ensuite à l’école, il mange, il sourit, il devient comme tous les autres enfants et finalement c’est quand je vois ces enfants sourire que je suis heureuse.

Qu’est-ce qui vous motive au quotidien ?

Ce qui me motive au quotidien, c’est le sourire des enfants. Je pense que les enfants sont bénéficiaires et donateurs de l’association car ils m’apportent le sourire et la motivation au quotidien. Ce qui me motive également c’est libérer ces enfants de leurs chaînes et contribuer à leur bien-être.

Quand as-tu décidé de lancer ton projet ?

Un jour mon fils, co-fondateur de l’association et ancien porteur de drépanocytose, m’a dit « Mais maman, si des enfants porteurs de la même maladie que moi sont rejetés, ces enfants ont besoin d’un abri ». C’est à ce moment que j’ai décidé d’aider les enfants porteurs de handicap, et d’ouvrir la maison Dounya, qui signifie « monde » en arabe.

J’ai toujours donné autour de moi. Ma famille et mes amis m’ont dit « Mireille, si tu continues comme ça, tu vas t’épuiser, il faut déclarer ton association pour que tu puisses bénéficier d’outils et de canaux de financement pour pouvoir toucher plus de bénéficiaires. » Quand on m’a dit que j’allais pouvoir toucher plus de bénéficiaires, ça m’a fait tilt ! Ce qui m’intéresse est de toucher le plus d’enfants possible dans le monde.

L’association a donc été officiellement lancée en 2020, mais j’apporte réellement une aide aux personnes en situation de handicap depuis 2015.

Pourquoi as-tu décidé de lancer ton projet ? A-t-il été inspiré par une tierce personne ou par un constat personnel ?

Abrihandicap est née de deux histoires personnelles que je vais vous raconter :

La première histoire est celle de Gabriel. Ce bébé âgé de deux mois et demi a été accueilli par une assistante maternelle. À l’âge de trois mois il a été diagnostiqué porteur de drépanocytose, il a été rejeté par l’assistante maternelle car elle le voyait déjà comme mort. Sa mère a vite compris qu’elle ne recevrait pas l’aide nécessaire et a donc lutté afin de pouvoir aider son fils. Aujourd’hui, Gabriel est guéri grâce à une greffe de la moelle osseuse. Avec cette triste histoire, nous sommes témoin qu’à seulement trois mois, un bébé peut être rejeté à cause de son handicap.

La seconde histoire est celle de Benjamin et elle se passe au Burkina Faso. Yaalma (idiot en langue Moré du Burkina Faso) est le nom initialement donné à Benjamin, un petit garçon de 10 ans atteint de trisomie 21. Son père le voit comme un monstre et comme un animal. Après avoir essayé de s’en débarrasser plusieurs fois, Lucienne, la mère de benjamin, s’enfuit avec son fils vers un autre village. Ils reçoivent quotidiennement des regards et des injures telles que « il est mieux de mettre au monde un délinquant qu’un idiot ». Sans aucun soutien de la part des autres, Benjamin est décédé et sa mère vit désormais seule dans le village où elle a trouvé refuge. Cette histoire est malheureusement un exemple parmi tant d’autres dans ces régions du monde où le handicap est stigmatisé.

C’est donc ce contexte qu’Abrihandicap agit. Nous voulons sauver des vies et briser les chaînes : les chaînes de la discrimination, du rejet, de la stigmatisation et les véritables chaînes des enfants enchaînés. Nous répondons toujours présent là où un enfant et rejeté à cause de sa différence.

"AIMER SON PROCHAIN COMME SOI-MÊME"

Auteur : Roxanne Cuzol