L’entreprise sociale est-elle en train de se généraliser à l’ensemble de l’activité économique ?
L’entreprise est l’objet d’attentes nombreuses de la part de la société civile et des pouvoirs publics. Sans être nouvelles, ces attentes ne cessent de s’intensifier ; les causes en sont bien connues : réchauffement climatique, inégalités croissantes, épuisement des ressources naturelles. Face à cela l’économie s’est fortement capitalisée, les marchés financiers pour des raisons bien connues et souvent analysées prenant un poids accru dans la vie des grandes entreprises, en particulier des sociétés cotées. L’effet souvent analysé est une prépondérance de l’intérêt de certains actionnaires pour le profit à court terme au détriment du projet d’entreprise et de l’impact de l’activité.
Il ne s’agit pas d’un phénomène de mode et tant les entreprises que les pouvoirs publics ont pris conscience de la nécessité d’une meilleure prise en compte des attentes sociétales. Cette prise de conscience se traduit en effet par une évolution des pratiques de nombreuses entreprises qui se mobilisent pour intégrer ces attentes à la conduite de leur stratégie. Mais, elle se traduit également par une évolution sensible du cadre normatif des entreprises qui leur impose des obligations de plus ne plus nombreuses et contraignantes.
Une évolution de la définition de l’entreprise est-elle nécessaire ou opportune pour mieux correspondre aux attentes de la Société et inclure les différentes parties prenantes ?
On constate un décalage entre la lettre du droit des sociétés qui se concentre sur le véhicule juridique et la réalité économique du projet d’entreprise et de ses attentes à l’égard de ses parties prenantes. Ce droit constitue-t-il pour autant un obstacle à une résolution des tensions entre société et Société ?
La loi Pacte prévoit une modification de la définition du contrat de société qui ne serait plus appréhendée comme la seule volonté de ses associés de réaliser des bénéfices ou de profiter des économies (mutuelles, coopératives) mais d’avoir d’autres finalités, comme par exemple l’environnement, le social ou encore des dimensions d’intérêt général… Par cette réflexion, l’économie sociale et solidaire n’intègre-t-elle pas le droit commun des sociétés alors qu’autrefois elle était marginalisée ? Plus précisément, allons-nous réussir à trouver enfin la véritable définition de l’entreprise sociale, dont les tentatives de définition remontent en 1951 avec les travaux de recherche de Georges Ripert sur les aspects juridiques du capitalisme moderne.
Une modification de la définition du contrat de société va-t-il permettre à d’autres objectifs d’émerger et de faire glisser la réalisation de bénéfice en arrière-plan d’une finalité plus ambitieuse pour la Société dans son ensemble ? Nous sommes convaincus que l’entreprise de demain sera celle qui sera capable d’avoir une double finalité, celle d’un impact social et environnemental en premier plan puis la réalisation de bénéfice comme moyen pour y parvenir. Tant que les intérêts égoïstes demeureront, le débat ne sera pas clos, créant un clivage entre les uns et les autres. Le degré de maturité de notre Société arrivera lorsque cette prise de conscience aura atteint l’ensemble des entrepreneurs. Durant cette période, il faudra assurer la cohabitation de deux manières différentes d’entreprendre au sein d’un même outil de droit commun à savoir le contrat de société. Les tensions sont loin d’être achevées, mais nous allons accompagner cette transition pour que celle-ci puisse se dérouler de la manière la plus conciliante avec l’ensemble des parties prenantes.